Chanter pour l'Église
Saint Augustin dit encore : « Si tu veux voir ce que nous croyons, viens voir ce que nous chantons ».
Le chant fait parti de la prière des chrétiens depuis les commencements. Il élève l’âme, il est porteur d’un message.
Le chant et le rôle de la chorale
L’instruction Musicam sacram (5 mars 1967) le fait en ces termes : « Le chœur, ou chapelle musicale, ou schola cantorum, mérite qu’on lui accorde une attention particulière à cause du service liturgique qu’il rend. A la suite des normes conciliaires concernant la réforme liturgique, sa tâche est devenue encore plus claire et plus importante ; il doit, en effet, veiller à l’exécution exacte des parties qui lui sont propres, selon les divers genres de chants, et favoriser la participation active des fidèles dans le chant.».
Et Jean Paul II à continuer : « Elle joue en effet dans l’assemblée le rôle de guide et de soutien, et à certains moments de la Liturgie, elle a un rôle propre et spécifique. » (Chirographie pour le centenaire du Motu proprio de saint Pie X Tra le sollicitudini, 22 novembre 2003)
Un brin d'histoire
Déjà à l’époque biblique, il existe des chantres (2 Chroniques 35,15 et 25, Néhémie 7,1) dont on précise l’emplacement « en tête du cortège » (Psaume 67,26) Les assemblées chrétiennes ont bénéficié du concours de groupes de chanteurs qui aidaient l’assemblée ou qui, parfois, s’investissaient dans une musique savante.
Le mouvement liturgique, dès le XIXème siècle, a remis en lumière l’idée de participation active de tous les fidèles ; dès lors, les papes saint Pie X, Pie XI, et Pie XII n’ont pas cessé de plaider pour que la liturgie soit conçue comme l’action de tous. Le concile Vatican II a authentifié cette conviction que la Présentation Générale du Missel Romain formule ainsi : « … la célébration tout entière est organisée pour favoriser chez les fidèles cette participation consciente, active et plénière du corps et de l’esprit… Une telle participation est souhaitée par l’Eglise et demandée par la nature même de la célébration ; elle est un droit et un devoir pour le peuple chrétien en vertu de son baptême » (n° 18)
Cette injonction à promouvoir la participation de tous les fidèles fut diversement reçue. Si beaucoup ont acquiescé, d’autres résisté si fort que de graves conflits ont envenimé le climat de communion de certaines paroisses.
Chorale et pastorale
La chorale anime la vie liturgique. Evidemment, pour l’eucharistie, la chorale n’est pas aussi essentielle que le pain ! S’il n’y avait pas de chorale, Dieu resterait Dieu ! La musique à l’église n’est pas de l’ordre du nécessaire utilitaire, mais de l’ordre de la grâce. Exactement ce que Dieu pratique ! La chorale (avec les musiciens) imprime à l’assemblée liturgique ce sens de la gratuité qui est demandé aux hommes parce qu’il appartient à Dieu.
Réjouissons-nous pour tous les groupes de chanteurs qui emmènent le peuple chrétien dans le monde de la grâce. Une chorale qui fonctionne selon les critères de l’Eglise est une chance pour une assemblée.
Dans la vie générale de la paroisse, la chorale est souvent faite de personnes attentives aux réalités du monde ou qui le sont devenues à force de chanter « peuple de frères, peuple du partage ». Elles apportent à la célébration « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes » (Vatican II, constitution sur l’Eglise) dont elles ont été témoins en tant que membres de commissions municipales ou partenaires d’associations.
Chorale et assemblée
Comment la chorale peut-elle aider l’assemblée à entrer dans l’alliance ?
Si elle entraîne l’assemblée à chanter, elle l’aide à devenir le peuple qui rend grâce, la voix du corps du Christ.
Entraîner suppose de programmer les chants sur une longue durée pour que l’assemblée puisse les apprendre.
Plus qu’un soliste, la chorale entraîne à chanter car elle donne une bonne image du chant collectif. L’assemblée qui entend un groupe, devine qu’elle peut se joindre à lui. Il est donc impératif que la chorale fasse entendre la polyphonie seulement lorsqu’elle est sûre que l’assemblée connaît bien la mélodie principale ! En effet, si une polyphonie vous arrive à l’oreille, votre réflexe n’est pas de chanter, mais d’écouter. Un bel unisson lors du chant d’entrée suggère que Seigneur veut rassembler ; un bel unisson lors de la profession de foi dit les liens des baptisés ; un bel unisson dans les acclamations eucharistiques exprime que nous chantons « d’une même voix ».
Entraîner l’assemblée, c’est aussi dialoguer avec elle. Quand tout le monde fait tout, on s’épuise. Si la chorale dialogue avec les fidèles de la nef, elle se tait quand ces derniers assurent leur partie (sauf s’il faut les sécuriser). Le dialogue entre la nef et la chorale fait apparaître que l’Eglise est un lieu où l’on sait dialoguer et où l’on vit d’entendre les autres proclamer leur foi ; et de plus, le dialogue met en relief les actions et les personnes. Enfin, quand la nef entend la chorale seule (par exemple pendant le chant des couplets), elle reçoit d’elle le bon modèle de style et de tempo qu’elle avait peut-être perdu quand, au long du refrain, elle se laissait gagner par la lourdeur et la lenteur. Pour réaliser des dialogues intéressants, il convient que le responsable recherche des mises en œuvre qui ne soient pas systématiquement toujours les mêmes de manière à structurer le temps de manière active et volontaire. Un tel art de la mise en œuvre fait de la nouveauté à l’intérieur d’un programme. Du coup « c’est toujours la même chose » (le rite est sécurisant) mais « ce n’est jamais la même chose » (on rend le rite vivant).
Cela n’est possible que grâce à la chorale.
La chorale entraîne parce qu’elle remplit cette double fonction : elle fait du connu avec de l’inconnu (elle aide à s’approprier des chants nouveaux) et elle fait de l’inconnu avec du connu (en renouvelant les mises en œuvre, elle stimule les esprits et les cœurs).
Tout ceci concerne les moments où le chant de l’assemblée est requis (chant d’ouverture, chants de l’ordinaire, dialogue, hymne après la communion). Mais il est des moments où l’acte liturgique ne suppose pas la voix de l’assemblée qui participe alors en écoutant. Avant le premier chant d’assemblée, la chorale peut ouvrir à la prière par un chant fait d’un beau texte et d’une belle musique à l’unisson ou en polyphonie ; après la Parole, elle peut prolonger la méditation par un chant dont le texte reprend des expressions de la Parole ; pendant la procession des dons ou celle de la communion, la chorale apporte sa contribution comme le ferait un instrumentiste, par des pièces qui demandent une préparation musicale particulière. A ces moments-là, la chorale n’est pas forcément suspecte d’être en position de concert ; d’ailleurs l’assemblée devine bien si, quand elle chante seule, la chorale vise la transmission d’un message avec le projet d’introduire dans un mystère ou cherche à se faire valoir.
Qu’elle dialogue avec l’assemblée ou qu’elle chante seule, la chorale est en charge de l’adéquation avec les rites, de la justesse musicale et stylistique (phrasé, assurance de la sonorité, place des accentuations …), et, de ce fait, de la ferveur et de la beauté.